Château de Varax

Historique


Antoine Mey, puis Octavio Mey furent successivement propriétaires de ce qui ne devait être qu'un grangeage au milieu du XVIIe siècle. Ayant hérité, Guillaume Puylata, marchand bourgeois lyonnais, s'occupa d'agrandir la propriété par différentes acquisitions : au Sud-Est, le mas aux Arrivaut et son curtil; au Nord-Est le mas des Sibrinières, sur le territoire de la Charretonière, et à l'Ouest la maison-forte du Boisset. Ces divers lieux-dits étaient alors séparés par deux chemins qui se croisaient, le chemin de Chasselay à Sain-Bel, et celui de Marcilly à La Tour-de-Salvagny. En 1688 il chargea Pierre Sommay, maître maçon, de La Tour-de-Salvagny, et Barthélemy Sivrin, charpentier de Lozanne, de lui bâtir une demeure après avoir fait démolir la ferme et ses annexes (A.D. 3 E 5626, Guyot notaire).
Le 2 août 1709 Etienne de Riverieulx, marchand banquier à Lyon, puis conseiller secrétaire du roi, acheta les biens de Guillaume Puylata. Il entreprit de faire faire des travaux dans le château. La tradition veut qu'il ait fait appel à Mansart et à Le Nôtre (P. de Varax, Généalogie des Riverieulx, 1899), ce qui paraît difficile, l'un étant décédé en 1708, l'autre en 1700. Etienne de Riverieulx devint seigneur de Marcilly le 18 septembre 1718 (A.D. série 11 G 730 à 739).
Le 25 septembre 1833 Claude de Riverieulx de Varax vendit le domaine à René Osmond.
Depuis 1856 le château est la propriété de la famille Bourceret, qui y a fait des aménagements au XIXe siècle.
Le site du château avec son parc a été inscrit le 25 novembre 1974 à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Description


Le prix-fait de 1688 donne une idée assez précise de ce qu'était le château construit par Puylata : « Construiront un bâtiment neuf faisant deux faces l'une du côté de vent et l'autre du côté de bise sur la cour et sur le jardin, de 45 pieds de face égale de part et d'autre, sur 32 pieds de largeur aussi égale et de 29 pieds de hauteur... Le bâtiment percé à droite ligne de vent à bize avec une porte égale et de même manière à chaque face, pierre de taille à pilastre avec sa corniche et fronton, le rez-de-chaussée à 1 pied et 1/2 au-dessus du sol... Le bâtiment sera composé d'un vestibule allant d'une face à l'autre avec sa voûte à berceau en bonne maçonnerie... Il sera posé à la face du bâtiment côté cour 5 grandes croisées à la française : celles d'en bas en pierres grises, celles du premier étage en pierre jaune de Chessy, et 4 grandes croisées en pierres grises du côté de bize, et 5 au premier étage en pierre dorée... Pour le couvert neuf ils pourront prendre 6 chênes que le sieur Puylata désignera dans son bois... ». D'après ce texte, le château devait être comparable (pour le corps central) à celui de la Chaize, construit en 1674-1676 (voir B. MOURAUD-SOUCHIER, Le château de la Chaize, Mémoire de maîtrise, Université Lyon II, déc. 1976), et que la légende attribue aussi à Mansart et à Le Nôtre.
Le bâtiment a été agrandi en longueur, en 1718. Est-ce à cette date, ou au milieu du XIXe siècle que le fronton a disparu? En effet, le toit brisé, couvert en ardoises, semble avoir été refait au xix, siècle. De même les vantaux des portes Nord et Sud ont été changés, et l'intérieur a été transforiné. C'est actuellement un édifice très sobre, long de six travées au Sud, neuf travées au Nord, large de quatre, avec un étage carré, et un étage mansardé. Le seul décor consiste en chaînes d'angle, avec des jambes qui délimitent un corps central et accentuent la verticalité (voir photo ci-dessous).
Château de Varax - façade nord

Immédiatement au Sud s'étendent les communs, qui forment un vaste U, ponctué aux extrémités Nord de deux pigeonniers carrés. Une arcature en plein cintre règne au rez-de-chaussée, sur les trois côtés (voir photo ci-dessous).

Château de Varax - Les communs
Château de Varax - Pressoir sculpté, détail La répartition des locaux est la suivante : à l'Est les écuries; au Sud, dans un immense bâtiment voûté en plein cintre, tant au rez-de-chaussée qu'à l'étage, l'étable puis la cave (non enterrée) et les granges au-dessus ; à l'Ouest le cuvage qui abrite un pressoir à dame, dont les montants sont sculptés (voir photo ci-contre); au-dessus des logements de gagés, accessibles par un petit escalier en pierre perpendiculaire au bâtiment.

Au centre du U se dresse la chapelle que flanquent deux pavillons habillés de frontons sommés de pots à feu en pierre faisant face au château : le pavillon Est, dont certaines parties remontent au XVIe siècle (cheminée, petit bénitier en pierre), comprend le logis du granger, à l'étage, au-dessus d'un cellier, prolongé par un très grand fenil; le pavillon Ouest, abrite des chambres de domestiques ; derrière s'étend l'orangerie, de vastes proportions.
Dans le cellier de la maison du granger, le large manteau d'une cheminée en pierre porte trois dates inscrites séparément au centre d'une réserve délimitée par des arabesques, avec sous chacune d'elles le nom du propriétaire du clos à l'époque correspondante :
1889 1689 1789
ANTOINE BOURCERET GUILLAUME PUYLATA J.-C. RIVERIEULX DE VARAX
Château de Varax - Borne de justice

Une marche de l'escalier extérieur est une pierre de réemploi; c'est une borne de justice portant l'inscription : LISSIEU DE JUSTICE (photo ci-contre).
Le fenil comprend trois gueules de four; sur le mur intérieur Nord, crépi à la chaux, sont gravés des graffitis de la fin du XVIIIe siècle (1787) et du XIXe siècle.
Le pavillon Ouest a été construit avec des pierres de réemploi, notamment une borne de juridiction, utilisée comme pierre de soubassement, avec l'inscription gravée : JUSTICE DE MARSILLY.


La chapelle, orientée Nord-Sud, est un édifice cubique, très haut, avec un toit à trois pans, et au Nord un mur de façade plus haut que la toiture. L'intérieur est décoré de peintures murales en trompe l'oeil : un ensemble de colonnes jumelées, à chapiteaux composites, règne sur un stylobate en faux marbre; ces colonnes paraissent soutenir le plafond en arc de cloître déprimé, peint également. Sur les murs Est et Ouest, se font face deux panneaux rectangulaires en camaïeu de bistre : l'un représente le Christ au jardin des oliviers, l'autre le Couronnement d'épines. L'abside, à fond plat, est décorée d'une toile marouflée (h. 3,80 m, L. 1,63 m) dans un cadre en trompe-l'oeil, qui représente le Christ en croix, avec en bas, dans le lointain, la ville de Jérusalem.
Le plafond rectangulaire, arrondi aux angles, simule une ouverture zénithale bordée par une frise de feuillages, tandis que les voûtains sont occupés par des encadrements de baies qu'enjambent des putti portant les instruments de la Passion (photo ci-contre); Château de Varax - Chapelle, détail du plafond
Château de Varax - Chapelle, angle du plafond deux d'entre eux, au-dessus du Christ en croix, présentent le voile de la Sainte Face. Dans chacun des angles un évangéliste est figuré sur un médaillon en camaïeu de bleu (photo ci-contre). Des volutes sur lesquelles s'enroulent des feuilles d'acanthes, encadrent les médaillons; au-dessus un entablement soutient un grand vase cuivré à godrons (photo ci-dessous). Ce détail décoratif s'inspire très nettement de celui des angles du plafond du grand salon de la Damette à Irigny (voir L. GALACTÉROS, « Ombreval et la Damette, deux «maisons des champs» lyonnaises au XVIIe siècle », extrait de la Revue Marseille, n°109, 2e trimestre 1977).

L'autel, en stuc peint (L. 2,16 m, l. 0,91 m, h. 1,62 m; XVIIIe siècle), est surmonté d'un contre-autel et d'un tabemacle en marbre (XIXe siècle).
Château de Varax - Chapelle, angle du plafond, détail

Le parc descend en pente douce au Nord du château, avec un parterre planté d'ifs éclairé d'un bassin. Il est agrémenté d'une allée de tilleuls et d'une allée de platanes qui se rejoignent au Sud-Ouest sur un rond-point panoramique; bordé d'une balustrade en pierre, il surplombe un mur de soutènement d'une très grande hauteur; de part et d'autre de la balustrade se dressent deux colonnes monumentales cannelées, à chapiteaux ioniques (photo ci-dessous) ; une plaque métallique, aposée sur l'une d'elle, porte l'inscription :
Château de Varax - Colonne du Palais des Tuileries COLONNE DE LA FAÇADE
DU PALAIS DES TUILERIES
CÔTÉ DU JARDIN
BATI 1564-1610
BRÛLÉ MAI 1871
DÉMOLI 1883
MISE EN PLACE OCT. 1895
MARCILLY-D'AZERGUES RHÔNE

Plus au Nord, une seconde terrasse, bordée par un muret et appelée le « Fer à cheval », domine une falaise qui portait en 1338 le nom de « montagne de Bélignon » (Cartulaire d'Ainay). Cette falaise a été exploitée en 1866 pour la construction des murs d'enceinte du clos, qui, selon la tradition, aurait été confiée aux prisonniers allemands de la guerre de 1870.
Une quantité de portails et de grilles (une dizaine) est répartie dans la propriété. Le plus important, sur le C.D. n, 16, a une grille de style XVIIIe siècle, sommée du monogramme A.B.(Antoine Bourceret). Deux grilles séparent le château et les communs, et un second mur intérieur isole le parc du reste du clos. Deux grandes fermes étaient jadis rattachées au château de Varax : le domaine des Iles, et le domaine des Teillères, qui ont subi des transformations.
Au Sud de la mairie (dont l'emplacement faisait partie du domaine de Varax) une machine à vapeur, avec sa haute cheminée de brique, assura à partir de 1888 l'alimentation en eau du château. Les deux pompes à vapeur ont été remplacées par des moteurs électriques toujours en activité.


Source : Comité du pré-inventaire des monuments et richesses artistiques (N°9 - Commune de Marcilly d'Azergues)